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Fabrice et Aurélien by



Ce jour-là, il faisait beau et Fabrice aurait bien aimé se promener sans souci en tête. Mais des soucis, il en avait beaucoup en ce moment. Rien qui ne puisse inquiéter son entourage ; que des soucis pas vus pas pris, invisibles, chargés de secrets tourments et de pénibles tentations. Il aimait Aurélien, le bel Aurélien, trop beau pour lui et, pour son malheur, son meilleur ami…


Il en souffrait de jour en jour, et de jour en jour un peu plus. Il ne se sentait plus capable de vivre avec lui cette amitié si proche sans jamais pouvoir le toucher, le respirer comme il aurait aimé, jusque dans ses sueurs les plus intimes. Il en avait la nuit des rêves exténuants et au matin des réveils cruels, et sans jamais personne à qui en parler, personne…


Aurélien flirtait beaucoup avec les filles qui le draguaient, et elles étaient nombreuses, et elles ne cachaient pas leurs sentiments celles-là, elles n'avaient pas honte, jamais, même de leurs simagrées, de leurs vulgaires provocs, rien ne les décourageait, et c'était blessant, désespérant de voir Aurélien céder si facilement à tant de désirs vautrés, alors que lui, Fabrice, se savait porteur de sentiments autrement plus beaux, plus forts…


Sans trop savoir pourquoi, Fabrice savait qu'il n'oserait pas s'avouer à Aurélien, ni aujourd'hui, ni demain, ni jamais. Il ne s'imaginait pas non plus pouvoir rompre avec lui cette amitié folle qui remplissait sa vie. Son portable sonna. C'était Aurélien :

— Mais, merde, qu'est-ce que tu fous ? Je t'attends ! T'es où ?


Il était là, Fabrice, tout à côté, depuis une heure qu'il pensait en rond en faisant le tour de son quartier… Il monta chez Aurélien. Il était très excité, Aurélien, nerveux, gai, enjoué comme à son habitude. Il aimait ça aussi, Fabrice, cette joie de vivre qu'Aurélien avait toujours, cette vitalité à toute épreuve. Mais cette fois Fabrice ne se sentait pas la force d'au moins faire semblant de le voir.

— Qu'est-ce que t'as, ça va pas ?
— Si si…
— On fait quoi cet après-midi ?
— Je sais pas…
— Moi je sais… On va chez le couptif !
— Quoi ?
— On va chez le couptif ! De toute façon, t'as les cheveux trop longs, t'es d'accord ? Regarde-moi ça !


Aurélien eut un geste incroyable : il plongea une main ferme dans la longue chevelure de Fabrice, lui bascula la tête en arrière, et le fixa des yeux :

— Laisse-moi faire, ok ?


C'était dit avec gentillesse, mais une légère menace sourdait…

— Je t'emmène chez le couptif, tu dis rien, tu me laisses faire, allez viens…


Il ne laissa pas le temps à Fabrice de réagir, l'entraîna sur le palier par une manche de son blouson. Ils se parlèrent très peu dans les minutes qui suivirent. Simplement, Aurélien s'inquiétait de savoir si tout allait bien et le surveillait du coin de l'œil, sans doute pour prévenir toute éventuelle tentative de fuite. Fuir, Fabrice n'y songea même pas, il suivit docilement, comme une mécanique en marche, son Aurélien visiblement pressé. Très vite, ils se retrouvèrent devant un minuscule salon de coiffure pour hommes.


Fabrice se figea, mais il n'eut pas le temps de dire qu'il était hors de question qu'il entre là-dedans : Aurélien le poussa contre la porte en enclenchant la poignée. Fabrice se trouva face au coiffeur, une soixantaine d'années, un peu surpris de cette intrusion.

— Je vous amène mon copain, dit Aurélien sans se démonter.
— Jeune homme…


Le coiffeur montra le fauteuil rouge à Fabrice qui ne bougea pas.

— Allez, go ! dit Aurélien qui l'aida à s'asseoir. Quand faut y aller, faut y aller !


Fabrice se retrouva assis face au miroir sans plus rien y comprendre. Le sang battait à ses tempes. Il entendit vaguement Aurélien plaisanter avec le coiffeur qui le recouvrit tout entier d'un grand drap bleu.

— Sacrée tignasse, hein ? dit Aurélien. C'est pas tous les jours que vous devez en couper des comme ça…


Le coiffeur rigola en entourant le cou de Fabrice d'une serviette blanche :

— Non, c'est pas tous les jours… Et on les coupe comment ?
— Très court, dit Aurélien, très très court…
— Il a pas l'air d'accord… dit le coiffeur, voyant Fabrice devenir aussi blanc que sa serviette.
— C'est moi qui paie, c'est moi qui décide ! conclut Aurélien en allant s'asseoir sur la chaise la plus proche du fauteuil. Coupe ciseaux et tondeuse, c'est possible ?
— Oui, bien sûr…


De son peigne, le coiffeur étala sèchement toute la chevelure de Fabrice en faisant le tour du fauteuil. Et Fabrice eut à peine le temps de voir Aurélien rougir avant que de longues mèches ne lui barrent la vue. Il vécut tout le début de sa coupe le menton collé à la poitrine, écoutant, halluciné, le bruit sec des ciseaux dans l'épais silence du salon. La honte le submergea quand il réalisa le plaisir qu'il prenait à se sentir ainsi humilié par celui-là même qu'il chérissait par-dessus tout. Il n'imagina pas un instant qu'Aurélien put lui aussi y trouver son plaisir. Pas un instant il ne put se départir de l'idée qu'Aurélien, ayant fini par deviner ses secrets désirs, n'avait imaginé cette cruelle leçon que pour le guérir à tout jamais de son attirance coupable. Et, sous les coups de ciseaux s'amplifiant et saccageant tout de cette chevelure qu'il aimait tant, il sentit le pire se produire : son sexe qui ne cessait de gonfler. Sous le drap, il dut crisper ses mains sur les accoudoirs pour être sûr de ne pas céder à la tentation de se masturber. Et, au plus fort de la tension, il exagéra presque les postures soumises que les mains rudes du coiffeur imposaient à sa tête pour couper les cheveux lui couvrant les oreilles et les joues. L'émotion atteignit son comble quand le coiffeur entreprit de lui couper les mèches du devant. La tête ramenée en arrière et plaquée contre la blouse du coiffeur, il vit le peigne relever le rideau de cheveux et le visage d'Aurélien apparaître dans le miroir. Il referma presque aussitôt les yeux et porta malgré lui une main à son sexe au moment où claquèrent les ciseaux. La pluie de cheveux qui lui dégoulina sur le visage lui sembla la plus aboutie des soumissions qu'il puisse offrir à son inaccessible amour.


Le reste du temps passé dans ce salon lui parut interminable… et pourtant trop court. Il garda les yeux fermés, même quand le coiffeur arrêta sa coupe pour aller farfouiller dans un tiroir et y dénicher une tondeuse. Le cliquetis dans le cou lui indiqua que c'était une tondeuse mécanique. Là, il pensa de nouveau à son sexe, maintenant étrangement assoupi, se demandant avec anxiété si des fois celui-là ne serait pas soulagé d'un jet ; un vent de panique souffla dans sa tête à l'idée que, lorsqu'il se lèverait tout à l'heure du fauteuil, son pantalon pourrait bien le trahir.


Il en était là quand la petite mécanique termina son travail. Aurélien se leva pour inspecter la coupe, souleva la tête de Fabrice par le menton, planta durement ses yeux dans les siens, et décida que c'était encore trop long et que donc la tondeuse devait y retourner !…


Finalement, dix minutes plus tard, Aurélien, enfin satisfait, paya la coupe comme il avait dit et Fabrice ne s'enfuit pas comme il en avait pourtant l'intention.


Dans la rue ils ne se dirent pas un mot. Fabrice calcula qu'ils allaient se séparer au prochain carrefour, Aurélien tournant à droite pour rentrer chez lui, et lui à gauche pour aller pleurer dans un coin. Effectivement, Aurélien tourna à droite. Mais, Fabrice ne le suivant pas, Aurélien eut l'air de s'affoler et le rattrapa dare-dare.

— Mais qu'est-ce que tu fous ?


Fabrice crut qu'il allait éclater en sanglots :

— Laisse-moi…
— Arrête, dit Aurélien, plus gentil que jamais. Viens, on va chez moi, viens…
— Pas maintenant…
— Mais si, maintenant ! Tu comprends pas ? Justement maintenant !


Fabrice le regarda cette fois bien en face. Visiblement embêté, Aurélien, ne trouvant certainement rien à lui dire, lui posa simplement sur une joue un baiser d'une douceur infinie et lui redemanda des yeux de le suivre.


À peine la porte de l'appartement refermée, Aurélien le plaqua contre le mur et l'embrassa à pleine bouche. Tout de même surpris, Fabrice laissa la langue d'Aurélien l'envahir, puis réalisa qu'il était en train de boire sa salive. Il se dit que la vie était merveilleuse et en pleura si abondamment qu'Aurélien en fut totalement décontenancé :

— Pleure pas, Fabrice, pardonne-moi, je t'en supplie, pardonne-moi, arrête de pleurer, viens…


Aurélien l'emmena doucement dans sa chambre, le déshabilla tout en l'embrassant et l'allongea sur son lit pour se ruer nerveusement sur son corps. Fabrice eut presque peur d'autant de furie amoureuse et s'en voulut tout aussitôt de ne jamais pouvoir être heureux.


Il n'eut pas longtemps à y réfléchir. Son corps, totalement aux mains d'Aurélien, chavira soudainement et Fabrice ne fut plus que paquet de chairs énervées de plaisir quand l'autre entreprit de l'aspirer par le sexe. Fabrice éjacula si vite qu'il faillit s'en désoler, mais Aurélien ne lui en laissa pas le temps, lui enfourna à son tour son bandé dans la bouche et l'ensperma tout aussi vite.


Alors, calmés, ils se dirent à l'oreille tout ce qu'ils avaient à se dire. Aurélien n'apprit rien qu'il ne savait déjà. Mais Fabrice découvrit que ça faisait plus d'un mois qu'Aurélien fantasmait cette coupe de cheveux imposée, et qu'il se masturbait plusieurs fois chaque nuit rien qu'en l'imaginant. Fabrice ne put s'empêcher de rougir.

— Je te jure, je voyais tes cheveux pousser, et ils étaient tellement longs que j'avais qu'une trouille, que tu les fasses couper sans me le dire… Dis-moi que t'as aimé ça… dis-le moi…
— J'ai aimé…
— Je sais que t'as aimé, mon salaud…


Ils se serrèrent très fort, s'embrassèrent jusqu'à l'ivresse, se dirent et se redirent qu'ils s'aimaient. Leurs sexes se tendirent à nouveau, et Aurélien entreprit de décrire à Fabrice ce qu'il avait vécu dans le salon, la vision du peigne dans ses cheveux, le bruit des ciseaux, les longues mèches soyeuses tombant sur le drap et glissant jusqu'à terre, la belle docilité de Fabrice soumis aux mains fortes du coiffeur… Fabrice osa à ce moment une comparaison :

— Tu sais, à un certain moment, je sais pas, c'est comme si tu m'avais fait donner une fessée…
— Je sais, dit Aurélien.


Et, après un temps :

— Ça te plairait ?
— Quoi ?…
— Ben… que je te fasse donner la fessée…
— Je sais pas… mentit Fabrice.
— Moi oui… Au fait, je veux que tu me promettes une chose…
— Vas-y…
— Tes cheveux, c'est comme si c'était à moi, ok ? C'est un pacte entre nous… C'est que moi qui décide de tes coupes de cheveux… T'es d'accord ?
— Oui, je suis d'accord, dit Fabrice, aux anges…
— Alors, promets-le…
— Je promets…


Bien rassurés et de nouveau bien excités tous les deux, ils recommencèrent à se sucer l'un l'autre. Un doigt d'Aurélien s'aventura entre les fesses de Fabrice et s'insinua dans la fente. Fabrice en gémit.

— T'aimerais que je te prenne un jour ?
— Que tu me prennes ?
— Fais pas l'idiot…
— Tu veux dire…
— Oui…
— Oui, je crois que j'aimerais…
— Ce sera ton cadeau après la fessée, ok ?


Ils reprirent chacun leur sucette en bouche et cherchèrent à éjaculer ensemble. Aurélien éjacula le premier. Il en profita pour faire durer encore et encore le plaisir frissonnant de Fabrice qui, sans rien dire, commença à s'imaginer soumis, assouvi aux fantasmes à venir de son adoré…

— Je t'appartiens, dit Fabrice. J'aime ça. Je t'appartiens…


Il éjacula à son tour en râlant de bonheur.


C'était tout ce que voulait entendre Aurélien qui se trouva ravi de cette confiance avouée avec tant d'amour. Il avait maintenant charge d'âme. Et alors même que Fabrice se sentit d'un coup délivré d'un poids qu'il n'aurait pas su dire, Aurélien commença à se sentir des responsabilités vaguement inquiétantes…




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